Quartier des Hirondelles. Lingolsheim. Il fait frisquet cet après-midi-là, sur le parking du centre socioculturel. Les cinq membres du groupe de rap Hard Life se rejoignent et se saluent sous le soleil. Légèrement vêtus et rasés de frais, il se dirigent vers un local associatif. Aujourd’hui, ils s’apprêtent à « communiquer » autour de la sortie de leur nouvel album, intitulé « La Preuve ».

La musique, ils n’en vivent pas. Pour autant, ce n’est pas une raison pour prendre la « promo » à la légère : Malko, Alif, MJ, Simson -ainsi que Poltergeist et Madjina- ont donné le meilleur d’eux-mêmes sur ce « six titres », né de la fusion des groupes Le Déclic et de Hard Life. Sans être parano, ils sont lucides : dilapider une crédibilité acquise au fil des ans en un instant, non merci, très peu pour eux. D’emblée, ils se montrent très pro : il faut voir le zèle avec lequel ils se ruent gentiment sur les premières prises du reporter-photo. Point de décalage avec l’image, SVP. Il s’agit d’être en phase avec ce qu’ils entendent dégager : une image de sérieux. Acquise à force de travail dans la cité des Hirondelles et dans le milieu du rap strasbourgeois. Car Hard Life le dit bille en tête : « La vie est dure... » Et leur album, « La Preuve », doit exprimer la volonté d’exister dans le Hip Hop. De « ne pas lâcher l’affaire » de coeur : cet acte de naissance musical, qui date 1998, avec le précédent album « Pourquoi ».
                                                            
Leurs titres font mouche, d’emblée. Leurs mots se bousculent dans leur profession de foi musicale. Expérimentés -ils mettent au point des soirées « clés en main » dans des boîtes de nuit ou lors de soirées- le collectif Hard Life est constitué d’individualités fortes. Qui se retrouvent toutes, ici et là, dans leur son. Chacune dans son rayon. A 22 ou 29 piges, ils ne sont pas dupes : ils savent que les clichés ont la peau dure : « Pour certains, quand t’es rap, il croient que t’es racaille, que t’a des dents en or et que tu te promènes avec un pitbull. N’importe quoi ! », annonce Malko, le plus sérieusement du monde. Autre cliché éculé : le rap « des chaînes en or et des grosses bagnoles décapotables » que véhiculent les vidéo-clips déversés sur les chaînes musicales. « Les jeunes croient que c’est ça la réalité. Ces gens-là profitent de leur crédulité », indique-t-il. Hard Life, en revanche, entend rester fidèle aux sources du rap. Mettre en mots ce qui va mal dans notre société. Avec une singularité et une sincérité à toute épreuve. Et ils y arrivent fort bien : leur production est nickel. Energique et soignée, malgré le manque de moyens. « On préfère rester nous-mêmes plutôt que d’imiter les autres, c’est le meilleur moyen de se respecter soi-même. »

Pas de place pour l’à-peu-près. Pas d’espace pour les petites compromissions du quotidien : « Toute notre énergie est dans le rap », insistent-ils. Par la seule existence de leur album, ils démontrent qu’il n’y a pas d’affaire de coeur sans une... « preuve » d’amour. Dit comme cela, on a envie de les croire. Et de les écouter.

DNA déc 2003